Château au cœur de Nantes ayant vu bon nombre de rois de France.
Château de la Tour Neuve
Le donjon du château de Châteaudun, auquel la « Tour Neuve » de Nantes devait ressembler.
Un premier château, dit « de la Tour Neuve », est bâti au xiiie siècle au pied de l'enceinte gallo-romaine de la ville. En 937, le duc Alain Barbetorte avait déjà fait construire une tour dans ce secteur. Il semble y avoir élu résidence, mais la tour est néanmoins pillée par le comte Budic de Nantes peu après. Son emplacement précis n'est pas connu.
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Château de la Tour Neuve
Le donjon du château de Châteaudun, auquel la « Tour Neuve » de Nantes devait ressembler.
Un premier château, dit « de la Tour Neuve », est bâti au xiiie siècle au pied de l'enceinte gallo-romaine de la ville. En 937, le duc Alain Barbetorte avait déjà fait construire une tour dans ce secteur. Il semble y avoir élu résidence, mais la tour est néanmoins pillée par le comte Budic de Nantes peu après. Son emplacement précis n'est pas connu.
Le château de la Tour Neuve est construit entre 1207 et 1248. Les travaux sont sans doute effectués sous la commande de Guy de Thouars, veuf de Constance, duchesse de Bretagne et à ce titre régent du duché. Les archives conservent en effet la trace de travaux de creusement d'une douve à l'emplacement du château en 1207. Néanmoins, le véritable commanditaire du château ne peut être connu précisément. Il pourrait s'agir du roi de France Philippe II Auguste, qui vient à Nantes en 1206 et qui a parfois fait construire des fortifications hors de son propre domaine. Guy de Thouars, issu des Capétiens, était en outre soutenu par Philippe Auguste dans son rôle de régent de la Bretagne. Le château doit son nom de « Tour Neuve » à son donjon, qui est une grosse tour circulaire, aujourd'hui disparue. Elle est bâtie sur le modèle des « tours philipiennes », donjons circulaires massifs construits par le roi pour protéger son royaume, comme les donjons de Châteaudun, Lillebonne et Rouen (tour Jeanne-d'Arc). La Tour Neuve présente aussi d'autres caractéristiques typiques des châteaux de l'époque de Philippe Auguste, elle est notamment construite à cheval sur l'enceinte de la ville, comme le palais du Louvre ou le château d'Angers.
Le donjon circulaire, qui doit faire au moins 35 mètres de haut pour une circonférence de 16,70 mètres, est en schiste gris, et il est complété par une enceinte de 30 mètres de côté, protégée par quatre petites tours et ouverte par deux portes. Une porte est tournée vers la ville, l'autre vers la campagne. L'ensemble est agrandi par Pierre de Dreux et par Jean Ier au cours du xiiie siècle. Ceux-ci font construire une seconde cour du côté de la Loire, protégée par des tours polygonales. Pierre Ier semble être le duc qui a passé le plus de temps à la Tour Neuve, et il est même envisageable que ce soit lui, plutôt que Guy de Thouars, qui soit à l'origine de sa construction, qui aurait pu intervenir entre 1216 et 1237. En revanche, ses successeurs préférent résider dans leurs demeures à la campagne, comme le château de Suscinio, ou leurs hôtels de Paris et Longjumeau. Néanmoins, c'est au château de la Tour Neuve que les ducs entreposent leur trésor.
Plan supposé du château de la Tour Neuve, superposé au château actuel. La ligne verte matérialise le tracé de l'enceinte gallo-romaine.
Le château de la Tour Neuve n'est pas le premier château construit à Nantes, puisqu'il existe déjà celui du Bouffay, également construit au bord de la Loire, et dont les premières fortifications remontent au IIIème siècle. La construction d'un deuxième château intervient dans une période d'affrontement entre les Plantagenêts, qui possèdent notamment l'Anjou et l'Angleterre, et les Capétiens, soutenus par Guy de Thouars. La Tour Neuve est aussi une construction symbolique, qui affirme le pouvoir ducal sur la ville, notamment face au pouvoir de l'évêque. Le terrain de construction a d'ailleurs été pris à l'évêque, moyennant un dédommagement. Le nouveau château est également un moyen de signifier la puissance ducale face aux comtes de Nantes, qui résident au Bouffay. Au cours du xiiie siècle enfin, bien que les ducs bretons de l'époque soient d'origine capétienne, ils cherchent de plus en plus à affirmer leur autonomie vis-à-vis du roi de France, ce qui motive sûrement l'ajout de la seconde cour. La Tour Neuve permet en outre une protection supplémentaire de la ville, notamment du port sur la Loire.
Durant le xive siècle, la Bretagne connaît une guerre de succession, qui oppose la dynastie de Penthièvre à celle des Montfort. Cette guerre s'achève par la victoire de Jean IV de Montfort, en 1365. Il prend alors possession du château de la Tour Neuve, et il y effectue des travaux de grande ampleur, qui permettent de renforcer le caractère défensif de l'édifice. Les accès sont bouchés ou mieux protégés, la distribution des bâtiments est modifiée, les tours polygonales sont probablement reprises, et une plateforme est construite contre la courtine qui borde la Loire. Le château devient un élément de première importance dans l'ensemble défensif breton. Il permet de contrôler l'accès à la Bretagne depuis la Loire, et de surveiller les marches situées au sud du fleuve. Sous les Montfort, la Cour de Bretagne reste itinérante, mais le château de la Tour Neuve est déjà un lieu de pouvoir, puisque c'est l'une des résidences ducales. À ce titre, les ducs y rendent justice, par exemple lors du procès de Gilles de Rais en 1440. La tour dite du « Vieux Donjon » est le seul vestige de cette époque qui est encore visible au xxie siècle,.
Château de François II
En 1466, François II de Bretagne écrit que son château de Nantes est en décadence et en grand besoin de réparation. Il décide de le reconstruire entièrement, et il fait appel aux meilleurs architectes du duché, comme Mathurin Rodier, déjà maître d'œuvre de la reconstruction de la cathédrale de Nantes. Les travaux commencent dès 1466 par les caves des logis et par les terrassements, puis les premières élévations et les courtines sont entamées. Initialement, le projet conservait la déclivité du terrain qui descendait vers la Loire, mais à mi-chantier, il est décidé de remblayer toute la cour intérieure pour la niveler complètement. Par conséquent, les rez-de-chaussée du Grand Logis, déjà construits, sont enfouis et deviennent des caves, tandis qu'un nouveau rez-de-chaussée est conçu au-dessus,. Ainsi, le château n'est plus soumis aux inondations de la Loire dans sa partie la plus basse. La cour et les rez-de-chaussée du nouveau château sont par conséquent plus haut d'environ 3,5 mètres par rapport au château de la Tour Neuve.
La double fonction défensive et résidentielle du château est marquée, côté cour, par un palais résidentiel de tuffeau blanc aux façades raffinées et, côté ville, par les murs massifs de schiste et de granit des tours et des courtines. Les travaux, et leur ampleur, répondent d'abord à un besoin défensif, mais aussi à une volonté pour François II de montrer son indépendance politique et la richesse de son duché. Alors que sa cour est toujours itinérante, voyageant entre Rennes, Vannes et Nantes, il essaie à Nantes d'établir une capitale fixe capable de rivaliser avec les capitales des autres pays européens. Nantes est alors la ville la plus riche de Bretagne, et aussi sa principale porte d'entrée grâce à son port sur la Loire. La reconstruction du château et l'installation de la cour à Nantes achèvent un processus plus vaste de création d'institutions ducales dans la ville. Alors que Nantes est déjà le siège de la Chambre des comptes de Bretagne, elle reçoit en plus la chancellerie, le Conseil ducal et une nouvelle université, créée par François II en 1460. Le nouveau château est plus vaste que la Tour Neuve, et il est aussi beaucoup plus ambitieux puisqu'il doit contenir la cour et l'administration ducales ainsi que leurs personnels. Néanmoins, il ne couvre que trois hectares, à cause de la contrainte foncière, et la place laissée aux servitudes et aux jardins est donc très limitée. À la fin du règne de François II, les travaux ne semblent pas totalement terminés ; celui-ci souhaitait d'ailleurs édifier une aile supplémentaire le long de la Loire, afin que les bâtiments forment un U. Toutefois, après 1480, la menace française se fait plus présente, et les fonds du duché sont affectés sur d'autres châteaux. En 1486, François II encourage même les bourgeois de Nantes à agrandir et embellir leur résidence pour qu'ils puissent recevoir sa cour.
Au cours de son règne, François II participe à la guerre de Bretagne, succession de conflits qui l'oppose au roi de France ainsi qu'à certains de ses seigneurs vassaux. Le roi de France souhaite établir sa suzeraineté sur la Bretagne, tandis que le duc veut au contraire assurer son indépendance. En 1487, appelé par Françoise de Dinan et les barons bretons, le roi Charles VIII envahit la Bretagne. Il assiège le château de Nantes le 19 juin, mais les troupes nantaises résistent, et il abandonne le siège le 6 août. Pendant le siège, un boulet de canon aurait atterri dans la chambre du duc, mais celui-ci avait déjà quitté Nantes pour se mettre à l'abri.
Château d'Anne de Bretagne
François II meurt d'une chute de cheval peu après le siège, et sa couronne passe à sa fille, Anne de Bretagne. Le château tombe aux mains des Français en 1491, lorsqu'Alain d'Albret, qui en avait la garde, trahit la duchesse et l'offre au roi de France. Après le siège de Rennes où elle s'était réfugiée, la duchesse Anne est contrainte d'épouser Charles VIII. Elle devient par conséquent reine de France et, par ce mariage, débute l'union de la Bretagne à la France.
Le siège de 1487 a occasionné des dégâts sur le château : les parties hautes des bâtiments ont été attaquées par l'artillerie, et des pans de rempart sont effondrés. Une partie de l'enceinte est reconstruite, voire doublée, après le mariage d'Anne et de Charles VIII. Le couple royal ne vient qu'une seule fois à Nantes, en 1493, et il réside habituellement dans plusieurs des châteaux de la Loire, notamment Amboise, où le roi meurt en 1498. Selon le contrat de mariage, et afin de sécuriser l'union franco-bretonne, Anne restée sans postérité de sa première union, doit épouser le successeur de Charles VIII, le roi Louis XII. Ce nouveau mariage offre plus de liberté à la duchesse, qui revient à Nantes et fait exécuter des transformations sur le château. Anne souhaite alors probablement continuer l'œuvre de son père, et se doter d'une résidence à la hauteur de son rang de reine. En 1495, sa cour féminine comprend trente-neuf dames, qu'elle doit loger lors de ses déplacements.
Anne fait notamment ajouter des loggias et une flèche au-dessus de la principale tour d'escalier, et les lucarnes du Grand Logis, édifiées dans un style flamboyant, sont ornées du chiffre d'Anne et de Louis XII. Les loggias, inspirées par l'architecture italienne de l'époque, sont le premier signe de la Renaissance à Nantes. Plusieurs éléments défensifs, comme les tours de Rivière, du Port et du Fer-à-Cheval semblent également avoir été achevés à l'époque d'Anne de Bretagne, même si l'ensemble de l'enveloppe du château devait déjà être en place avant la mort de François II. Malgré ces travaux, Anne passe peu de temps à Nantes. À la mort de Charles VIII, elle vit d'abord dans sa résidence parisienne, l'hôtel d'Étampes, et ne retrouve le château de Nantes qu'à la fin 1498. Elle y épouse Louis XII en janvier, et le couple regagne le val de Loire en février. Anne séjourne à nouveau à Nantes en 1500, en 1503 ou 1504, en 1505 au début de son tour de la Bretagne, et le couple royal y fait un dernier séjour en 1510,. Elle semble s'être davantage servi du château comme d'un garde-meuble que comme une véritable résidence. Le mobilier, dispersé en 1491, a en effet été reconstitué après son second mariage. Le château comprend par exemple sous Anne de Bretagne une bibliothèque de près de mille cinq cents ouvrages. La duchesse y entrepose aussi ses trésors avant son départ à Lyon en 1500, afin qu'ils soient à l'abri lorsqu'elle sera en voyage. Le château accueille de cette façon des tissus liturgiques, des boiseries de lit et des tapisseries de Milan et de Mehun-sur-Yèvre. Espérant jusqu'à sa mort que le duché de Bretagne retrouve un duc souverain, Anne a enfin probablement envisagé que le château redevienne une résidence ducale permanente, ce qui peut expliquer les nombreux embellissements qu'elle y a fait faire.
Résidence royale en Bretagne
Anne meurt en 1514 à Blois, laissant deux filles. L'aînée, Claude de France, à qui revient le titre de duchesse de Bretagne, épouse François d'Angoulême, qui devient François Ier à la mort de Louis XII en 1515. Le château revient donc à Claude et François Ier, puis à leur fils François, qui est fait duc de Bretagne à la mort de sa mère en 1524. Le duc meurt jeune, et François Ier conserve l'usufruit du château. Ce dernier devient définitivement une possession royale en 1532, lors de la signature par le roi de l'édit d'union de la Bretagne à la France, dans la cour du château.
À partir de 1532, le château de Nantes est la résidence royale en Bretagne. Cette fonction en fait un lieu de prestige qui place Nantes au rang des grandes villes de province, mais elle est surtout un moyen d'affirmer la mainmise de la monarchie française sur ce lieu symbolique. Le château reçoit ainsi jusqu'au xviie siècle la plupart des rois de France, lorsqu'ils font leur entrée royale en Bretagne. Les souverains ont pour habitude d'arriver par la Loire, et d'entrer au château par la poterne de Loire. Ils passent la nuit au château, puis le lendemain ils repartent par la même porte pour faire leur entrée triomphale à la Fosse. Néanmoins, la ville perd la majeure partie de sa fonction administrative, à l'exception de la Chambre des comptes, et Rennes devient la véritable capitale de la province de Bretagne. François Ier effectue quelques transformations sur le château : on lui attribue l'achèvement de la courtine de Loire, qui porte son monogramme et celui de sa femme, ainsi que le remblaiement final de la partie la plus basse de la cour, et il fait construire un nouveau bâtiment, alors appelé « Logis du Roy », adossé à cette courtine de Loire. L'édifice est peut-être l'œuvre de Philibert Delorme. Le château accueille Henri II et Catherine de Médicis en 1551 et Charles IX en 1565.
Pendant les guerres de Religion, le château connaît une nouvelle campagne de travaux, menée par Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur et gouverneur de Bretagne. Celui-ci, mécontent de la politique modérée d'Henri III, rejoint la Ligue catholique et forme même une petite « Ligue bretonne » pour défendre les intérêts catholiques en Bretagne. Soutenu par la plupart des cités bretonnes ainsi que par l'Espagne, le gouverneur fait du château une forteresse moderne, prête à se défendre contre les forces du roi. Il fait construire deux bastions, l'un au nord, l'autre au sud sur la Loire, ainsi qu'une grande terrasse d'artillerie à l'est. Il appose son emblème, la croix de Lorraine, sur les murs du château, et il y tient sa propre cour. Sa femme est descendante des ducs de Bretagne, et il titre son fils « prince et duc de Bretagne », songeant rétablir l'indépendance bretonne.
Le duc de Mercœur doit néanmoins se rendre à Henri IV en 1598, après la déroute de son armée. Le nouveau roi vient à Nantes et il y signe l'édit de Nantes, édit de tolérance qui accorde des droits aux protestants français. À la vue du château, Henri IV se serait exclamé : « Ventre Saint-Gris, les ducs de Bretagne n'étaient pas de petits compagnons ». Une tradition populaire dit que l'édit a été signé dans la maison des Tourelles, édifice situé quai de la Fosse et détruit en 1944, mais il semble en fait avoir été signé au château, dans le Petit Gouvernement.
Au début du xviie siècle, la défense du château est améliorée par Louis XIII et le cardinal de Richelieu, qui est gouverneur de Bretagne. Ce dernier fait d'ailleurs apposer ses armoiries sur les murs et les vitraux de la chapelle. Les travaux de fortification consistent principalement à aménager les terrasses des quatre tours d'entrée en plateformes d'artillerie, et ils ont vocation à renforcer le poids du château dans la défense royale contre le parti protestant, dont le Poitou voisin est un bastion. Le roi Louis XIII séjourne à Nantes en 1614, pour une cérémonie des écrouelles qui se tient dans la cour du château à la suite de son couronnement. Son frère Gaston d'Orléans se marie au château en 1628, en plein jugement de la conspiration de Chalais dirigée contre le roi.
Prison et caserne royales
Au cours du xviie siècle, le château de Nantes perd son rôle politique et son prestige royal. Les rois viennent peu à Nantes, et le château n'a plus grand intérêt stratégique. Les gouverneurs de Bretagne, représentants du roi dans la province, ne résident plus à Nantes, mais ils se font remplacer par un intendant qui loge à Rennes. Le château est surtout occupé par des militaires retirés du service et des invalides. Il fait aussi office de prison, et notamment pour les prisonniers de marque, car la prison pour le droit commun se trouve au château du Bouffay. Des chefs de conspiration ou des intrigants politiques sont ainsi enfermés au château, comme Henri de Talleyrand-Périgord, enfermé dans la tour des Espagnols avant son exécution, et en 1719, les coupables de la conspiration de Pontcallec. Le théologien Jean Le Noir, accusé d'hérésie, meurt dans sa geôle du château en 1692. Le janséniste François Louvard est enfermé au château en 1728, mais il est transféré à la Bastille la même année. Le chef de la Fronde, le cardinal de Retz, est lui aussi détenu au château, en 1654. Davantage placé en résidence surveillée qu'en cellule, il parvient à s'évader, et ce fait inspire vraisemblablement la chanson populaire Dans les prisons de Nantes.
Le château est aussi une prison militaire, 129 prisonniers de guerre espagnols sont ainsi détenus entre 1643 et 1654, après avoir été capturés lors des batailles de Rocroi et Mardyck. À la fin du xviie siècle et au xviiie siècle, les prisonniers militaires sont surtout des marins anglais, venant des ports de Bristol, Londres, Dublin, Philadelphie ou Boston, et capturés lors de combats navals. La fonction carcérale du château remonte probablement à son origine, et l'historiographie conserve la mémoire de l'enfermement de Gilles de Rais dans la Tour Neuve en 1440. Le duc de Mercœur a aussi écroué au château le maire de Nantes, Charles Harouys, et d'autres seigneurs loyalistes en 1589.
Le dernier roi venu au château est Louis XIV. Lors d'un séjour en 1661, alors qu'il est venu assister aux États de Bretagne, il profite de son éloignement de Paris pour faire arrêter Nicolas Fouquet. En 1670, un incendie d'origine inconnue détruit une partie du Grand Gouvernement, et le roi fait reconstruire l'édifice dans le goût du xviie siècle, en créant un grand escalier d'honneur à la place de l'escalier à vis extérieur, et en plaçant ses armes au-dessus de cet escalier. Il fait aussi construire un campanile au sommet de l'entrée principale, côté douves. L'incendie est très mal documenté, et sa cause n'est pas connue, tout comme son envergure et sa date exacte. L'année 1670 est généralement admise, mais uniquement parce qu'elle apparaissait sur une tablette commémorant la reconstruction, depuis disparue ; 1670 ne pourrait donc être que l'année d'achèvement des travaux.
En 1784, le château est transformé en arsenal sur ordre de Louis XVI et du maréchal de Ségur. Ceux-ci veulent suivre les leçons données par la guerre d'indépendance des États-Unis, et disposer de dépôts d'artillerie prêts à ravitailler les forts de la côte en cas d'attaque par la mer. La terrasse construite par Mercœur au xvie siècle est détruite pour faire place au Harnachement, nouveau bâtiment servant à entreposer les canons et à fabriquer l'artillerie.
Révolution française
Pendant la Révolution française, le château échappe aux destructions. Le 19 juillet 1789, son capitaine en remet les clés à la Ville de Nantes, qui les redonne aussitôt au capitaine, un geste symbolique qui exprime que c'est la Nation et non plus le roi qui place le château sous le commandement du capitaine. Néanmoins, le lendemain, la population, au courant de la prise de la Bastille, investit le château. Les Nantais, apeurés par les événements, veulent savoir si le château ne renferme pas des caches d'armes ou de munitions qui pourraient être utilisées contre eux. La démolition du château est demandée par les sections révolutionnaires locales, qui voient en lui un moyen de contrôler la ville, et un lieu qui coûte cher à entretenir. Cette démolition est refusée, et la Ville l'achète en 1791 pour 12 millions de livres. Il est repris par l'État l'année suivante, car le déclenchement des guerres révolutionnaires peut à nouveau le rendre utile à l'armée. Les symboles ducaux et royaux présents sur les façades sont martelés en avril 1793, et remplacés par les emblèmes de la Révolution. Ainsi, un bonnet phrygien est placé sur le bastion Mercœur, et la devise de la république est inscrite au-dessus du porche d'entrée. Pendant la Révolution, le nombre de prisonniers au château explose. Alors qu'aucun n'est mentionné en 1789, en 1793 les autorités déplorent la surpopulation du lieu et ses conditions d'hygiène terribles. Des prêtres réfractaires sont notamment détenus dans la tour des Jacobins.
L'explosion du château en 1800.
Alors que, contrairement à la Bastille, il a échappé au démantèlement en 1789, le château connaît la plus grande catastrophe de son histoire le 25 mai 1800. À midi, un plafond vermoulu de la tour des Espagnols s'effondre sur les réserves de poudre qui y sont stockées. Elles explosent. La déflagration fait entièrement sauter la tour, ainsi que les édifices voisins. Une bonne part du Grand Gouvernement s'effondre, faisant disparaître la salle des archives, la chapelle et l'ancien logement du lieutenant du roi. Les archives des ducs de Bretagne échappent à la catastrophe, car elles ont été transférées aux archives départementales peu avant. L'explosion détruit aussi largement le quartier situé près du château. Soixante cadavres sont retrouvés dans les ruines du château. La tour des Espagnols et la partie détruite du Grand Gouvernement ne sont jamais reconstruites. La tour du Fer-à-Cheval, où se trouvaient l'essentiel des réserves de poudre, n'est pas atteinte par l'explosion. En 1808, Napoléon Ier, en visite à Nantes, ne visite pas le château, mais il ordonne la construction d'un quai le long du monument, ce qui a pour effet de l'isoler de la Loire. Lors de la guerre de Vendée et Chouannerie de 1815, le château retrouve brièvement un rôle défensif, et la brèche est refermée par un mur percé de créneaux de fusillade.
Redécouverte du château
Le château reste aux mains de l'armée jusqu'après la Première Guerre mondiale. Il est classé en tant que poste militaire dans la liste des places fortes en 1821, et l'artillerie doit désormais le partager avec le génie. Dans les années 1840, l'armement du château est constitué de quatre canons et de six obusiers. Après l'explosion de 1800, ses murs sont trop fragilisés pour qu'il serve de prison efficace, mais il accueille encore quelques prisonniers jusqu'en 1830. Les derniers détenus civils du château sont dix-huit manifestants arrêtés place Graslin, au cours des Trois Glorieuses. D'abord enfermés au Bouffay, le commandant les transfère discrètement au château alors que la foule réclame leur libération. Une échauffourée s'ensuit et entraîne la mort d'une quinzaine de personnes. Après cet événement, et jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les seuls prisonniers du château sont des soldats en punition, à l'exception de la duchesse de Berry, détenue en 1832.
Dès le xixe siècle, l'intérêt historique et architectural du château est peu à peu découvert et mis en valeur. Les premiers travaux de restauration ont lieu en 1853, lors de la destruction du bastion Mercœur, qui empêchait la construction de la voie ferrée vers Saint-Nazaire. Au cours de la destruction, la tour du Port est redécouverte, puis sa partie supérieure, arasée par Mercœur, est reconstruite. Les premiers vrais travaux de restauration sur le reste du château sont ensuite conduits en 1855, et le château fait partie des premiers monuments historiques désignés par Prosper Mérimée en 1840. D'autres campagnes de travaux sont réalisées, permettant la restauration de la tour de la Couronne d'Or et des lucarnes des logis. Cette restauration n'est pas totalement fidèle à l'original, car des monogrammes d'Anne de Bretagne et des gargouilles néogothiques sont ajoutées. Les maîtres d'œuvre font gommer les traces postérieures à la Renaissance, pour figer le château dans une époque comprise entre le xve siècle et le xvie siècle, c'est-à-dire sa période de construction et d'habitation par la famille ducale. Henri Deverin, architecte des monuments historiques au début du xxe siècle, projette en vain de reconstruire la partie disparue en 1800, et de la réinterpréter à la façon de Viollet-le-Duc pour faire du château un nouvel hôtel de ville néogothique.
Ouverture au public
En 1911, alors qu'il est une propriété de l'État, une convention entre le ministère de la Guerre et la municipalité permet d'échanger le château contre l'ensemble « Couvent de la Visitation- Caserne Bedeau » appartenant à la ville, et qui abrite déjà un régiment d'artillerie. La Ville entre officiellement en possession du château en 1915, mais à cause de la Première Guerre mondiale, celui-ci reste techniquement occupé par l'armée jusqu'en 1920. De 1916 à 1920, les magasins et hangars élevés dans la cour par les militaires sont détruits. Le maire Paul Bellamy décide d'installer un musée dans le château. Joseph Stany-Gauthier, professeur aux Beaux-Arts, imagine un musée d'arts décoratifs, fondé en 1921, et dont il devient le conservateur l'année suivante. Le musée ouvre au public en 1924, et rapidement, il élargit ses collections vers l'art populaire régional. En 1939, douze salles sur dix-neuf sont ainsi dédiées à l'art populaire. Ces salles se concentrent surtout sur la côte bretonne sud, de la Cornouaille à la presqu'île guérandaise, avec aussi une collection provenant du marais breton en Vendée. Le musée participe au rayonnement de la culture bretonne, par exemple en organisant une grande exposition sur la région en 1936, et en contribuant aux expositions universelles de 1937 et 1939. Le comblement du bras de la Loire dans les années 1930 a bouleversé les abords du château : désormais, il n'est plus bordé par le fleuve. Néanmoins, étant donné que le boulevard peut être déplacé sur le terre-plein comblé, la douve le long de la courtine de Loire peut être recreusée, ce qui redonne à cette courtine toute sa hauteur et découvre sa poterne, qui était auparavant masquée par cinq mètres de terre.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le musée est peu à peu fermé et ses collections mises en caisse. Les pièces les plus précieuses sont envoyées au château de Beaupréau en Maine-et-Loire. Dès 1939, le château accueille le service de santé de la défense passive, tandis que les Allemands réquisitionnent une partie du monument en 1941 pour y loger un central téléphonique dans les sous-sols. Ils y enferment également les requis du Service du travail obligatoire en 1943. Le 8 mai 1943, les Allemands réquisitionnent la totalité du château et ils construisent un blockhaus dans la cour, destiné à devenir un abri pour la Kriegsmarine. Les sous-sols des tours du châtelet d'entrée sont renforcées avec du béton tandis que le Feldkommandant s'installe dans le Petit Gouvernement. Le château n'est pas touché par les bombardements alliés et il retrouve sa vocation muséale à la Libération. À cette occasion, la présentation des collections est revue, et deux musées distincts voient le jour : le musée d'Art populaire régional dans le Grand Gouvernement, et le musée d'Art décoratif dans le Grand Logis. Le musée des Salorges rejoint le bâtiment du Harnachement en 1956, car ses locaux d'origine ont été détruits par les bombardements. Consacré aux industries portuaires de Nantes, ce musée avait été fondé rue des Salorges en 1934. Le Petit Gouvernement accueille en outre le syndicat d'initiative nantais. Des années 1960 aux années 1980, les collections d'art populaire croissent encore en envergure, tandis que le musée d'Art décoratif, souffrant de sa vétusté et de l'état de délabrement du Grand Logis, ferme en 1972. En 1971, un nouveau directeur, Pierre Chaigneau, remplace Stany-Gauthier et offre un nouveau souffle au musée d'Art populaire, qui est peu à peu modernisé.
Restaurations et nouveau musée
Après 1945, de nombreux travaux sont effectués sur le monument, mais les budgets alloués ne permettent pas d'opérations de grande envergure. La démolition du Harnachement est proposée, afin de redonner à la cour toute sa superficie, mais le bâtiment est conservé par vœu de la municipalité. Les courtines sont restaurées juste après la guerre, et la poterne sud est condamnée par sécurité. Les lucarnes et la toiture du Grand Logis sont rénovées dans les années 1950. Les douves, comblées au xixe siècle, sont remises en eau après la guerre. De 1964 à 1974, des travaux de restauration sont entrepris, notamment sur le dernier niveau du Grand Logis. Dans les années 1980, d'autres rénovations portent sur le Vieux Donjon, la tour de la Rivière et les façades du Harnachement. À la fin du xxe siècle, le château montre pourtant des signes d'usure profonde. Plusieurs espaces sont fermés au public pour des raisons de sécurité, l'accumulation successive des collections dans les musées nuit à leur cohérence, et les sculptures en tuffeau sont très abîmées.
Une campagne de travaux en profondeur est décidée dans les années 1980, et la municipalité choisit dans le même temps de regrouper à terme les collections des musées municipaux pour former un unique musée d'histoire locale. Les premiers travaux débutent en 1989, et ils s'accompagnent de fouilles archéologiques, qui permettent de mieux comprendre l'histoire du site. Le musée des Salorges ferme en 1994 et le Harnachement connaît une campagne de restauration intérieure de trois ans, au bout de laquelle il devient un espace consacré aux expositions temporaires, tandis que le musée d'art populaire régional ferme ses portes en 1997. Les travaux s'étalent jusqu'à la réouverture du monument en 2007, et ils nécessitent une fermeture totale du site pendant trois ans. Le parti de cette restauration a été de préserver les différents ajouts successifs, qu'ils soient du xviie siècle ou du xixe siècle, pour présenter le château dans sa continuité historique. Les travaux ont parfois été radicaux, car il fallait adapter des édifices du xve siècle pour en faire un musée moderne. Des poutres métalliques ont été insérées dans les logis, des trous percés dans les murs pour passer des fils et un ascenseur ajouté en plein milieu. Certaines décisions, notamment le choix de reconstruire des éléments disparus depuis plusieurs siècles, ont provoqué des controverses. Un parcours en accès libre et un éclairage nocturne sont imaginés pour aider le visiteur à mieux comprendre les lieux, et le château est considéré comme le premier objet exposé du musée. Conséquence de la transformation de la communauté urbaine de Nantes en métropole, le château devient un équipement métropolitain le 1er janvier 2015.